(ag) Dimanche 9 juin prochain le peuple suisse s’exprimera sur la révision de la loi sur l’asile, dont la version initiale remonte à 1998. Intitulés en français «Modifications urgentes de la loi sur l’asile», les articles soumis au peuple sont en fait déjà entrés en vigueur le 29 septembre 2012 après de multiples amendements apportés par le Parlement à la loi depuis sa création en 1998. La question est de savoir si le peuple ratifiera le dernier volet des modifications ou le refusera, restaurant de facto la loi dans son état au 1er avril 2011.
L’évolution de la loi, faite de nombreuses modifications successives, est complexe et ne saurait évidemment être représenté dans son intégralité dans la brochure publiée par la Chancellerie fédérale qui accompagne le matériel de vote. Ce ne serait ni pratique ni pertinent. Mais cela n’implique pas qu’il soit justifié d’omettre de ladite brochure toute information permettant de comparer l’état actuel de la loi à son état précédent (que le référendum vise à restaurer).
Comme le rappellent parfois les titres des objets de votations (p.ex. «Modification de la loi»), voter ne consiste pas à se prononcer sur un texte, mais sur un type de processus – l’institution de la loi dont l’intention du législateur et le texte déterminent conjointement le contenu. Ce processus est une action. Pour l’évaluer, il est donc essentiel de comprendre le changement qu’elle implique, et donc l’intention dont elle procède. Mais comment faire l’un ou l’autre sans connaissance de la différence entre l’état initial et l’état final du texte dont l’action dépend?
Mon propos n’est pas que le Chancellerie fédérale n’informe pas les électeurs du changement soumis à votation. Mon propos est qu’elle le fait mal: l’état du texte antérieur aux modifications n’est ni reproduit ni décrit dans la brochure officielle, si bien que seul le votant appliqué appréciera le changement concerné1. Par conséquent, seul le votant appliqué pourra essayer de comprendre le changement et l’intention dont il procède. Pour les autres, ils pourront seulement essayer de comprendre comment ce changement est perçu par ceux qui le défendent et ceux qui s’y opposent.
Cette omission ne mériterait pas le qualificatif de négligence si la Chancellerie n’avait aucune raison de penser que, dans la situation présente, aucune comparaison serait pertinente. Cette circonstance aurait un effet atténuant si, par exemple, l’objet de la votation se réduisant à une proposition d’ajout et ou suppression de corps juridiques dans leur intégralité; dans ce cas, aucune comparaison ne serait pertinente pour percevoir le changement et en comprendre l’intention.
Or, ce n’est pas le cas ici. A plus forte raison, la complexité du processus qui a produit le texte et sa matière controversée auraient dû rendre évidente à la Chancellerie fédérale la nécessité d’offrir des moyens de comparaison. Du coup, cette omission constitue clairement une négligence. Qui se répète année après année sans que les choses ne changent, et qui concernent toutes les votations de nature similaire.
La négligence est pourtant facile à corriger: il suffirait d’inclure dans la brochure un tableau comparatif récapitulant la substance des deux versions du texte article par article, voire, si la place manque, d’inclure un lien web vers un tel tableau sur le site de l’administration fédérale.
A défaut, on voit mal comment l’exégèse juridique et politique que la brochure offre aux votants suffirait à leur permettre d’exercer leurs droits politiques en connaissance de cause. Partant, on voit mal à quoi tiendrait la réputation de la démocratie suisse dans l’éventualité où, en plus de voter sur des lois, le peuple suisse était aussi appelé à élire ses Conseillers fédéraux…
A quand une politique d’information éthiquement responsable, qui cesse de traiter les objets de votation comme des résultats et commence enfin à prendre en compte leur nature processuelle?
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